
Portrait d'Emmanuelle Berbain, sage-femme et cofondatrice de La Maison des femmes d’Orléans
Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Je suis sage-femme depuis 1996. J'ai travaillé dans différentes structures hospitalières, majoritairement en salle de naissance. Mais j’ai toujours été très intéressée par la question du choix pour les femmes de gérer leur fertilité.
En 20 ans, le champ de compétences des sage-femmes s'était élargi. Alors, je me suis formée pour décrocher un diplôme sur la régulation des naissances.
Comment t’est venue l’idée d’ouvrir une Maison des femmes ?
En 2018, j'ai intégré le centre IVG du Centre hospitalier d'Orléans. C’est là que j'ai réalisé le travail immense à mettre en œuvre pour prendre en charge les violences subies par les femmes. En Centre IVG, les violences ne se cachent plus.
Toute l'année, en plus des consultations de gynécologies et de contraception, je prends en charge les IVG médicamenteuses des patientes.
Il y a 3 ans, avec d'autres collègues, nous nous sommes lancées dans le projet de créer une Maison des femmes sur Orléans. Nous avons donc contacté Ghada HATEM de la Maison des femmes de Saint-Denis pour lui proposer notre projet.
En 2024, nous avons reçu 1 902 visites de femmes victimes de violence pour des consultations médicales, du suivi psychologique, du conseil juridique et économique, des ateliers collectifs de reconstruction, etc.
Le 17 janvier, nous fêtions le 50e anniversaire de la loi Veil. Qu’est-ce que cela t'évoque ?
Avec l’anniversaire de la légalisation de l’IVG, je mesure à nouveau ce que pouvait être la vie de nos mères ou de nos grand-mères ! Elles ont toutes porté un poids énorme. Pour la majorité d’entre elles, le choix de la sexualité, et donc de la procréation, était subi. Les sanctions liées à la grossesse leur incombaient : relation amoureuse mise au grand jour, risques physiques d’un avortement clandestin, d’une grossesse, d'un accouchement ou de la fréquence des grossesses.
Je dis sanction car ce n’étaient pas les hommes qui portaient le poids de la honte ou du risque vital, pas eux qui portaient la charge éducative et la nécessité de donner les soins à de nombreux enfants.
Je me demande toujours quelle sexualité elles pouvaient vivre avant que la contraception et l’IVG ne soient légalisées. Pouvait-on prendre du plaisir quand la sexualité pouvait aboutir à la mort ou à la mise au ban de la société ?
C'est pourquoi nous devons rester vigilants sur l'accès et sur l’information à la contraception et à l'IVG.
Le climat politique mondial doit plus encore renforcer notre vigilance. Je ne voudrais pas que nos filles vivent ce que nos aïeules ont vécu."